15.5.2003: Forschung CH
Ecologie trophique et reproduction chez le Tarier pâtre Saxicola torquata
Emmanuel Revaz et Raphaël Arlettaz
Deux populations de Tarier pâtre Saxicola torquata, l'une installée dans un paysage agricole de type traditionnel et l'autre dans un paysage revitalisé, ont fait l'objet d'une étude comparée portant sur l'écologie alimentaire et le succès reproducteur des couples. L'importance des milieux herbacés comme réservoirs de nourriture a pu être mise en évidence dans les deux sites. En outre, l'offre en nourriture des jachères du paysage revitalisé est comparable à celle des milieux traditionnels (bisses, prairies). Malgré ces similitudes, certains paramètres reproducteurs se sont révélés significativement meilleurs dans le paysage traditionnel: un environnement dominé par les milieux herbagers semble plus favorable à l'espèce qu'un paysage agricole dévolu aux terres labourées.
Les surfaces de compensation écologique constituent l'un des piliers de la nouvelle politique agricole helvétique. Certaines critiques ont été émises sur la capacité de ces zones mises hors culture de favoriser la biodiversité, en particulier l'installation et la reproduction de certains éléments de la faune sauvage accompagnatrice des cultures. Dans le cadre de ce travail de diplôme, nous avons testé, en utilisant comme modèle une espèce d'oiseau insectivore typique des habitats herbagers, si les conditions écologiques d'un paysage revitalisé et restructuré (Champagne genevoise) équivalaient celles d'un paysage agricole traditionnel riche en structures naturelles comme par exemple des fossés ou des haies (Valais central). Ces deux populations de Tarier pâtre ont été comparées en 1999 et 2000 tant du point de leur écologie trophique (offre en nourriture, approvisionnement alimentaire des jeunes au nid par les adultes, utilisation de l?espace par les adultes) que de leur succès reproducteur.
Le volet alimentaire de l?étude a été réalisé en 1999, et a concerné 6 nichées valaisannes et 6 nichées genevoises. L?offre en nourriture, échantillonnée grâce au filet fauchoir (prélèvement de l?entomofaune de la strate herbacée) et aux pièges Barber (prélèvement des invertébrés de la surface du sol) s?est révélée comparable dans les deux types de milieux (bisses et prairies du Haut-Valais, friches ? ou bandes-abris ? genevoises), tant du point de vue des groupes d?invertébrés présents que de la biomasse disponible. Dans les deux régions, les couples ont montré une préférence significative pour les proies de taille importante; de plus, le régime alimentaire des jeunes (étudié par la méthode des collets) correspondait à l?offre en nourriture présente dans la strate herbacée aussi bien en Valais qu?à Genève, alors qu?aucune corrélation n?a été obtenue entre le contenu des collets et celui des pièges Barber.
La comparaison du succès de reproduction a porté sur les nidifications de 25 couples valaisans et 17 couples genevois en 1999, 21 et 23 couples, respectivement, en 2000. Les paramètres mesurés ont été: taille des pontes, poids des jeunes, longueur des tarses des jeunes, nombre de jeunes émancipés, nombre de nidifications et taux de réussite des nichées. Aussi bien en 1999 qu?en 2000, les paramètres reproducteurs tendent à être globalement plus élevés en Valais qu?à Genève, mais des différences significatives n'ont été décelées que pour les variables «poids des jeunes» et «nombre de nidifications au cours de la saison». En outre, la productivité des couples (nombre de jeunes émancipés) est étroitement corrélée au nombre de nidifications entreprises (jusqu'à quatre par an et par couple).
L?étude de la sélection trophique a pu confirmer le fait que le Tarier pâtre est une espèce prioritairement liée aux paysages de prairies, de pâturages et de friches (milieux herbagers), tel qu?on en trouve encore dans la plaine haut-valaisanne. Les friches comprises dans le paysage agricole revitalisé de la Champagne, bien que favorables du point de vue de l?offre en nourriture, sont néanmoins dispersées au milieu de vastes terres ouvertes exploitées en cultures intensives. Le paysage dans sa globalité est donc moins favorable à l?espèce et à son activité de chasse: dès que les adultes quittent leur bande-abri, les terrains de chasse deviennent nettement moins productifs et attractifs; les proies profitables se font plus rares, et les distances parcourues plus longues.
Sous réserve d'une réplication des résultats à d'autres régions géographiques (malheureusement le Tarier pâtre est rare en Suisse et il n'a pas été possible de trouver des populations assez denses pour élargir notre comparaison), la «performance écologique» du paysage revitalisé apparaît assez proche de celle du paysage traditionnel, du moins si l'on fait l'hypothèse que les autres facteurs environnementaux (climat, etc.) n'ont exercé aucun rôle. Dans le cas du Tarier pâtre, espèce des milieux herbagers, un environnement où prairies et pâturages couvrent des surfaces importantes (Haut-Valais) semble nettement plus favorable qu'un paysage agricole plutôt dévolu aux cultures en plein champ.
Keywords:
Saxicola torquata, écologie alimentaire, succès de reproduction, compensation écologique
Art der Publikation:
Diplomarbeit
Literatur:
Revaz E., Raphaël Arlettaz R. (2000): Ecologie trophique et reproduction chez le Tarier pâtre Saxicola torquata: comparaison entre paysages agricoles traditionnel et revitalisé. Travail de diplôme (2000). Université de Neuchâtel et Station ornithologique suisse, Antenne Valais.
Kontaktadresse:
Emmanuel Revaz, Station ornithologique suisse / Antenne Valais, Centre Nature, CH-3970 Salquenen, www.vogelwarte.ch
erevaz@bluewin.ch
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